Toile contre dictionnaires: analyse morphologique en corpus de noms déverbaux concurrents.

Abstract

Dans le cadre d'une étude à large échelle des phénomènes de concurrence en français entre procédés constructionnels susceptibles de s'appliquer à des verbes pour former des noms (conversion, suffixes -age, -ment, -tion, -ure, ...), nous nous sommes intéressés au phénomène d'apparition de nouveaux noms déverbaux sur la Toile (par nouveau, on entend ici « absent des principaux dictionnaires de langue générale synchroniques du français »). En effet, l'hypothèse sous-jacente est que le poids historique du lexique est moins prégnant lors de formations lexicales récentes, si bien qu'en travaillant sur les néologismes non encore entrés dans les dictionnaires, on a plus de chance d'observer les propriétés qui relèvent de l'application des procédés constructionnels, sans qu'elles soient brouillées par une immersion dans le lexique institutionnalisé (Plag 1999).<br />Un des premiers résultats de cette étude, qui porte sur quelque 10 000 verbes et 19 000 noms déverbaux, indique que les procédés le plus souvent en concurrence sont les suffixes -age et ment, ce qui justifie le fait que ce soit également ce couple qui ait le plus fait l'objet d'études linguistiques comparatives (cf. Dubois 1962, Tasmowski-de Ryck 1977, et, plus récemment, Kelling 2001 et 2003, qui se fonde sur un inventaire de 400 doublets Xage/Xment construits sur la même base verbale trouvés dans FRANTEXT). C'est donc, nous aussi, la concurrence entre ces deux suffixes que nous avons décidé d'étudier, avec, pour premier objectif, de tester en contexte l'hypothèse de C. Kelling selon laquelle la concurrence age/-ment à base verbale constante est passible d'une explication en termes de proto-rôles (Dowty 1991) : selon elle, le suffixe age se combinerait avec des bases verbales dont le premier argument est proto-agent, tandis que ment serait sensible, lui, à sa protopatience.