La pédagogie universitaire en débats et expérimentations autour de 1968

Abstract

Cet article vise à rendre compte du processus de « politisation du débat pédagogique » (Prost, 2004), des acteurs (étudiants et universitaires, partis politiques et syndicats) qui l’ont alimenté et de ses effets à la fois sur la politique universitaire et surtout sur les réflexions et pratiques pédagogiques qui ont pu s’épanouir, notamment à l’université de Vincennes, à l’issue des évènements de « 68 ». La période étudiée couvre ainsi le milieu des années 1960, avec notamment l’invitation à une « pédagogie rationnelle » formulée dans Les héritiers : les étudiant et la culture par P. Bourdieu et J.-C. Passeron en 1964, à la fin des années 1970. Il s’agira, grâce à cette approche socio-historique, de montrer comment la pédagogie universitaire a cristallisé, sur cette période, des réflexions et pratiques collectives visant différentes formes de démocratisation de l’enseignement supérieur, à la faveur d’un contexte de politisation et de transformation démographique très fort de l’enseignement supérieur. Entre la rentrée de 1948 et celle de 1968, le nombre d’étudiant.e.s a été multiplié par 4,5 en France. Ce changement d’échelle du public de l’enseignement supérieur suscite des inquiétudes quant aux débouchés professionnels qu’il pourrait trouver, malgré l’ampleur des besoins en enseignants générés par le développement de l’ensemble de la scolarisation. Un certain nombre de responsables politiques et d’universitaires vont alors se saisir de ce contexte pour promouvoir une refonte de la recherche et des études supérieures dont certains aspects vont être inspirés du modèle universitaire américain ou plus largement anglo-saxon. Si ces inspirations sont revendiquées avant « 68 », elles deviennent plus taboues et clandestines à sa suite.