La formation linguistique des migrants en situation d’analphabétisme sous le prisme des manuels

Abstract

La question de la formation linguistique des adultes migrants a connu un changement de paradigme au milieu des années 2000, suite à l’évolution des politiques publiques avec, notamment, la mise en place du contrat d’accueil et d’intégration. Dans le même temps, quelques travaux de recherches se sont focalisés sur la prise en compte de ce public spécifique dans le cadre général de la didactique des langues (Beacco et al., 2005 ; Adami, 2009 ; De Ferrari & Extramiana, 2010). Sur le plan institutionnel, la notion de Français Langue d’Intégration (FLI) est également apparue pour opérer une distinction avec le FLE « classique ». Enfin, dans le domaine éditorial, des manuels ciblant ce public ont été élaborés. Les adultes migrants se distinguent en effet par des besoins d’apprentissage spécifiques pour répondre à l’enjeu de leur inclusion dans la société française dans les sphères personnelle, sociale et professionnelle. Parmi eux, les apprenants ayant été peu ou pas scolarisés dans leur pays d’origine représentent une catégorie particulière pour laquelle la problématique de l’alphabétisation vient complexifier la prise en charge. Depuis l’élaboration d’un référentiel pour un niveau A1.1 (Beacco et al., 2005), leurs besoins d’apprentissage sont mieux identifiés et les éditeurs ont commencé à publier des manuels visant la construction des compétences littéraciques. Nous avons choisi d’en faire une analyse holistique qui croise les apports des didactiques du français (langue maternelle et langue seconde), des sciences de l’éducation, de la linguistique ainsi que de la psychologie cognitive. Cette communication prend appui sur l’étude de 19 supports pédagogiques se positionnant explicitement dans le champ de l’enseignement de la lecture-écriture à des adultes migrants. Nous avons ainsi analysé les démarches d’enseignement mises en œuvre en intégrant les compétences travaillées, les supports mobilisés et les activités proposées. Nous avons par ailleurs questionné leur pertinence en nous appuyant à la fois sur les apports de la didactique (des langues et du français) et sur les processus en jeu dans l’apprentissage de la lecture-écriture (Fayol, 2020 ; Kolinsky, 2018) ; nous avons notamment étudié la place accordée à l’oral, aux prérequis à l’entrée dans l’écrit (principe alphabétique et conscience phonologique), à l’acculturation à l’écrit ainsi que l’apprentissage systématisé des relations graphophonologiques. Nous verrons ainsi en quoi les choix opérés par les auteurs révèlent une conception plus ou moins restrictive de la littératie et plus largement de la place accordée aux migrants dans le processus d’apprentissage.