Les signes pour parler de ‘transferts’ en ...
Type de document :
Communication dans un congrès avec actes
Titre :
Les signes pour parler de ‘transferts’ en langue des signes française : dire en montrant/donné à voir
Complément de titre :
la motivation du lexique au service de la conceptualisation
Auteur(s) :
Titre de la manifestation scientifique :
Grammaire et Iconicité de la Langue des Signes
Organisateur(s) de la manifestation scientifique :
GRAALS groupe de recherche et d'acrions aquitain sur la langue des signes
Ville :
Bordeaux
Pays :
France
Date de début de la manifestation scientifique :
2022-12-02
Titre de l’ouvrage :
https://signes.pro/conferenciers/
Résumé :
A partir des années 1980, Christian Cuxac a développé le concept de transferts. Il remarque que dans les activités de récit, le signeur-narrateur opte pour une stratégie expressive qu'il va nommer le 'dire en montrant'. ...
Lire la suite >A partir des années 1980, Christian Cuxac a développé le concept de transferts. Il remarque que dans les activités de récit, le signeur-narrateur opte pour une stratégie expressive qu'il va nommer le 'dire en montrant'. D'une part, il 'devient à certains moments celui dont il parle', il incarne alors par ses mouvements les actions, réactions ou mimiques de l'un ou l'autre des personnages de son récit. D'autre part, il projette sous forme 'légèrement anamorphosée' dans l'espace devant lui des formes en mouvement ou en relation, comme autant de représentations des mouvements des entités. Cuxac (2000) appelle alors 'transferts personnels et situationnels' ces 'figures d'expression en LSF au service d'une visée iconicisatrice'.Les signes de LSF pour en parler restent conceptuellement assez transparents. La première paire de signes apparue renvoie aux gestes figuratifs de 'prise de rôle / incarnation' et 'projection d'une représentation dans l'espace' (cf corpus LS-Colin 2002). Après 2003, en particulier avec l'enseignement en LSF dispensé dans le DPCU puis la licence professionnelle, une nouvelle paire de signes s'est imposée. Elle reprend deux cadres : l'un englobant le visage du signeur, l'autre posé à plat devant lui ; ces signes sont liés conceptuellement à la notion de perspective interne ou externe.Ce changement de dénomination en LSF a accompagné une évolution du concept de transfert dans le modèle sémiologique, avec la classification de Sallandre (Sallandre 2003). Le mot français 'transfert', en particulier, n'est plus réservé à un moyen expressif au service d'une stratégie de 'donner à voir', car son utilisation s'est progressivement étendue pour intégrer sous l'appellation 'transferts de personnes' nombre de formes verbales en perspective interne, et dans les transferts de situation les verbes de déplacement qui projettent une construction schématique dans l'espace, donc en perspective externe.Effectivement, la perspective adoptée est interne dans les transferts de personne, et externe dans les transferts de situation. Mais elle est aussi intrinsèquement liée à la grammaire de la langue elle-même. Quand on joue un rôle, qu'on incarne la façon d'être ou de faire d'une personne, on adopte forcément la perspective de celle-ci (donc interne). Mais tout autant, quand on dit en LSF, au moyen d'une combinaison de signes standards, que quelqu'un fait ou ressent quelque chose, on est contraint d'adopter une perspective interne : la flexion verbale intègre le corps du signeur à la place du sujet, au sens où la référence au sujet dans le verbe se trouve associée au corps du signeur (Meir et al. 2007, Fenlon et al. 2019). Et ce, qu'il s'agisse de verbes intransitifs (comme il rêve, il travaille ....) ou directionnels (comme il regarde qquechose , il donne qquechose à quelqu'un...) et en l'absence même de toute visée illustrative, uniquement avec des signes standards. Mais alors, le locuteur a toute liberté d'incarner celui dont il parle, dans la simultanéité, ou à la suite, d'autant plus naturellement qu'il y a déjà une perspective interne de celui-ci. Perspective interne et incarnation (ou jeu de rôle) sont donc deux choses différentes : la perspective, interne ou externe, conerne l'organisation référentielle de l'espace, elle résulte aussi bien du choix d'une stratégie illustrative au moyen d'un jeu de rôle ou d'une reconstitution gestuelle, que du choix d'une construction grammaticale avec une classe de verbes particuliers. Les figures propres aux stratégies illustratives, que sont l'incarnation ou la reproduction dans l'espace, quant à elles, correspondent aux transferts originellement décrits par Cuxac.Or le terme français 'transfert de personne', dans le modèle sémiologique aujourd'hui renvoie de manière indifférenciée à ces deux phénomènes. Un nouveau terme est proposé : 'transfert d'incarnation' (Encrevé 2021), qui voudrait rassembler tout ce qui a trait à la perspective interne.De même en LSF, le signe hégémonique actuel de transfert perspective interne ou externe' fait lui aussi l'amalgame. Pourtant, les enseignants de LSF ne définissent et exemplifient les transferts que comme des 'incarnation/jeux de rôle' ou des 'reproductions de scènes figuratives' (cf les vidéos d'enseignants sur internet). Pour l'expliquer, ils rajoutent parfois le signe 'ingestion /incarnation' au signe de perspective interne. Il semble donc que le remplacement d'une paire de signes par une autre se soit faite sans changement de sens.Je propose de réintroduire les deux paires de signes dans l'enseignement de la LSF pour nommer la différence conceptuelle entre ces deux phénomènes : les signes 'perspective' permettent de comprendre comment s'organise l'espace référentiel à partir du corps et du regard, quelle que soit la visée utilisée ; et les signes 'projection sur soi', ou 'projection dans l'espace' permettent de nommer des formes illustratives, qui viennent s'imbriquer avec les formes verbales. Comme dans toutes les langues du monde, mais de façon particulière.Lire moins >
Lire la suite >A partir des années 1980, Christian Cuxac a développé le concept de transferts. Il remarque que dans les activités de récit, le signeur-narrateur opte pour une stratégie expressive qu'il va nommer le 'dire en montrant'. D'une part, il 'devient à certains moments celui dont il parle', il incarne alors par ses mouvements les actions, réactions ou mimiques de l'un ou l'autre des personnages de son récit. D'autre part, il projette sous forme 'légèrement anamorphosée' dans l'espace devant lui des formes en mouvement ou en relation, comme autant de représentations des mouvements des entités. Cuxac (2000) appelle alors 'transferts personnels et situationnels' ces 'figures d'expression en LSF au service d'une visée iconicisatrice'.Les signes de LSF pour en parler restent conceptuellement assez transparents. La première paire de signes apparue renvoie aux gestes figuratifs de 'prise de rôle / incarnation' et 'projection d'une représentation dans l'espace' (cf corpus LS-Colin 2002). Après 2003, en particulier avec l'enseignement en LSF dispensé dans le DPCU puis la licence professionnelle, une nouvelle paire de signes s'est imposée. Elle reprend deux cadres : l'un englobant le visage du signeur, l'autre posé à plat devant lui ; ces signes sont liés conceptuellement à la notion de perspective interne ou externe.Ce changement de dénomination en LSF a accompagné une évolution du concept de transfert dans le modèle sémiologique, avec la classification de Sallandre (Sallandre 2003). Le mot français 'transfert', en particulier, n'est plus réservé à un moyen expressif au service d'une stratégie de 'donner à voir', car son utilisation s'est progressivement étendue pour intégrer sous l'appellation 'transferts de personnes' nombre de formes verbales en perspective interne, et dans les transferts de situation les verbes de déplacement qui projettent une construction schématique dans l'espace, donc en perspective externe.Effectivement, la perspective adoptée est interne dans les transferts de personne, et externe dans les transferts de situation. Mais elle est aussi intrinsèquement liée à la grammaire de la langue elle-même. Quand on joue un rôle, qu'on incarne la façon d'être ou de faire d'une personne, on adopte forcément la perspective de celle-ci (donc interne). Mais tout autant, quand on dit en LSF, au moyen d'une combinaison de signes standards, que quelqu'un fait ou ressent quelque chose, on est contraint d'adopter une perspective interne : la flexion verbale intègre le corps du signeur à la place du sujet, au sens où la référence au sujet dans le verbe se trouve associée au corps du signeur (Meir et al. 2007, Fenlon et al. 2019). Et ce, qu'il s'agisse de verbes intransitifs (comme il rêve, il travaille ....) ou directionnels (comme il regarde qquechose , il donne qquechose à quelqu'un...) et en l'absence même de toute visée illustrative, uniquement avec des signes standards. Mais alors, le locuteur a toute liberté d'incarner celui dont il parle, dans la simultanéité, ou à la suite, d'autant plus naturellement qu'il y a déjà une perspective interne de celui-ci. Perspective interne et incarnation (ou jeu de rôle) sont donc deux choses différentes : la perspective, interne ou externe, conerne l'organisation référentielle de l'espace, elle résulte aussi bien du choix d'une stratégie illustrative au moyen d'un jeu de rôle ou d'une reconstitution gestuelle, que du choix d'une construction grammaticale avec une classe de verbes particuliers. Les figures propres aux stratégies illustratives, que sont l'incarnation ou la reproduction dans l'espace, quant à elles, correspondent aux transferts originellement décrits par Cuxac.Or le terme français 'transfert de personne', dans le modèle sémiologique aujourd'hui renvoie de manière indifférenciée à ces deux phénomènes. Un nouveau terme est proposé : 'transfert d'incarnation' (Encrevé 2021), qui voudrait rassembler tout ce qui a trait à la perspective interne.De même en LSF, le signe hégémonique actuel de transfert perspective interne ou externe' fait lui aussi l'amalgame. Pourtant, les enseignants de LSF ne définissent et exemplifient les transferts que comme des 'incarnation/jeux de rôle' ou des 'reproductions de scènes figuratives' (cf les vidéos d'enseignants sur internet). Pour l'expliquer, ils rajoutent parfois le signe 'ingestion /incarnation' au signe de perspective interne. Il semble donc que le remplacement d'une paire de signes par une autre se soit faite sans changement de sens.Je propose de réintroduire les deux paires de signes dans l'enseignement de la LSF pour nommer la différence conceptuelle entre ces deux phénomènes : les signes 'perspective' permettent de comprendre comment s'organise l'espace référentiel à partir du corps et du regard, quelle que soit la visée utilisée ; et les signes 'projection sur soi', ou 'projection dans l'espace' permettent de nommer des formes illustratives, qui viennent s'imbriquer avec les formes verbales. Comme dans toutes les langues du monde, mais de façon particulière.Lire moins >
Langue :
Anglais
Comité de lecture :
Oui
Audience :
Internationale
Vulgarisation :
Non
Collections :
Source :