"On ne rit pas au Tonkin !". La chute du ...
Type de document :
Partie d'ouvrage: Chapitre
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Titre :
"On ne rit pas au Tonkin !". La chute du cabinet Ferry en 1885
Auteur(s) :
PASSARD, CEDRIC [Auteur]
Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (CERAPS) - UMR 8026
Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (CERAPS) - UMR 8026
Titre de l’ouvrage :
Quand la lanque politique fourche. Lapsus, erreurs et malentendus
Titre du fascicule / de la collection :
Langue et parole - Recherches en Sciences du Langage
Pagination :
p. 117-141
Éditeur :
L'Harmattan
Date de publication :
2023-06-12
ISBN :
978-2-14-033586-0
Discipline(s) HAL :
Sciences de l'Homme et Société/Science politique
Résumé :
En 1885, Jules Ferry est président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Sa politique coloniale suscite alors de très vives oppositions aussi bien chez les conservateurs que chez les radicaux. Mais les attaques ...
Lire la suite >En 1885, Jules Ferry est président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Sa politique coloniale suscite alors de très vives oppositions aussi bien chez les conservateurs que chez les radicaux. Mais les attaques redoublent avec l’évacuation de la ville de Lang Son annoncée à Paris le 29 mars 1885. Cette évacuation, fortement noircie par la presse, est présentée comme un véritable « désastre » pour les troupes françaises : on fait état de 1800 tués, blessés ou prisonniers, la situation est comparée à un « Sedan d’outre-mer ». Le lendemain, la séance qui a lieu à la Chambre des Députés est très houleuse. Une grande manifestation a lieu devant la Chambre tandis que dans l’hémicycle, Clemenceau prononce un sévère réquisitoire contre Ferry qu’il accuse de haute trahison. Dans ce contexte, le moindre faux-pas du président du Conseil est traqué par ses adversaires. Un rictus de Ferry pendant le discours de Clemenceau à la Chambre vient alors condenser les attaques dont il fait l’objet. Ce geste, d’apparence insignifiante, prend une dimension hyperbolique, générant une rhétorique de l’intolérable et de l’impardonnable. D’emblée, des députés s’emparent du prétendu rire de Ferry pour vitupérer sa morgue et son cynisme. Le cabinet Ferry est renversé. Si cette moue de Ferry a fait l’objet d’interprétations contradictoires, elle enclenche une véritable liturgie de l’indignation à la suite de cette séance parlementaire : les commentaires violents s’accumulent et s’emballent pour blâmer le « large rire » de Ferry qui trahirait son indignité, son ignominie voire sa folie. Satires, caricatures ou pamphlets se déchainent contre « Ferry le Tonkinois », conspué comme un traître, un corrompu et un assassin. Ferry devient « l’homme le plus haï de la République ». Obligé de se cacher, il se réfugie même en Italie, tandis qu’une demande de mise en accusation pour haute trahison est déposée contre lui. Cette étude de la dénonciation du « rire » de Ferry nous donnera ainsi l’occasion d’examiner comment le personnage, aujourd’hui icône du Panthéon républicain, est alors constitué durablement en figure de haine à travers également la réactivation d’autres critiques (notamment contre son œuvre scolaire). Cette affaire nous révèlera aussi les conditions sociales et politiques permettant d’utiliser une « parole » – en l’occurrence un geste – jugée déplacée contre un acteur politique établi pour le discréditer et le diaboliser. Episode alors assez singulier, ce cas du « rire » de Ferry fournit en effet la trame d’un récit ensuite fréquemment reproduit.Lire moins >
Lire la suite >En 1885, Jules Ferry est président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Sa politique coloniale suscite alors de très vives oppositions aussi bien chez les conservateurs que chez les radicaux. Mais les attaques redoublent avec l’évacuation de la ville de Lang Son annoncée à Paris le 29 mars 1885. Cette évacuation, fortement noircie par la presse, est présentée comme un véritable « désastre » pour les troupes françaises : on fait état de 1800 tués, blessés ou prisonniers, la situation est comparée à un « Sedan d’outre-mer ». Le lendemain, la séance qui a lieu à la Chambre des Députés est très houleuse. Une grande manifestation a lieu devant la Chambre tandis que dans l’hémicycle, Clemenceau prononce un sévère réquisitoire contre Ferry qu’il accuse de haute trahison. Dans ce contexte, le moindre faux-pas du président du Conseil est traqué par ses adversaires. Un rictus de Ferry pendant le discours de Clemenceau à la Chambre vient alors condenser les attaques dont il fait l’objet. Ce geste, d’apparence insignifiante, prend une dimension hyperbolique, générant une rhétorique de l’intolérable et de l’impardonnable. D’emblée, des députés s’emparent du prétendu rire de Ferry pour vitupérer sa morgue et son cynisme. Le cabinet Ferry est renversé. Si cette moue de Ferry a fait l’objet d’interprétations contradictoires, elle enclenche une véritable liturgie de l’indignation à la suite de cette séance parlementaire : les commentaires violents s’accumulent et s’emballent pour blâmer le « large rire » de Ferry qui trahirait son indignité, son ignominie voire sa folie. Satires, caricatures ou pamphlets se déchainent contre « Ferry le Tonkinois », conspué comme un traître, un corrompu et un assassin. Ferry devient « l’homme le plus haï de la République ». Obligé de se cacher, il se réfugie même en Italie, tandis qu’une demande de mise en accusation pour haute trahison est déposée contre lui. Cette étude de la dénonciation du « rire » de Ferry nous donnera ainsi l’occasion d’examiner comment le personnage, aujourd’hui icône du Panthéon républicain, est alors constitué durablement en figure de haine à travers également la réactivation d’autres critiques (notamment contre son œuvre scolaire). Cette affaire nous révèlera aussi les conditions sociales et politiques permettant d’utiliser une « parole » – en l’occurrence un geste – jugée déplacée contre un acteur politique établi pour le discréditer et le diaboliser. Episode alors assez singulier, ce cas du « rire » de Ferry fournit en effet la trame d’un récit ensuite fréquemment reproduit.Lire moins >
Langue :
Français
Audience :
Internationale
Vulgarisation :
Non
Établissement(s) :
Université de Lille
CNRS
CNRS
Collections :
Date de dépôt :
2024-01-24T17:48:43Z
2024-01-31T10:17:12Z
2024-01-31T10:17:12Z