Les groupes d'intérêt et le pouvoir local ...
Type de document :
Partie d'ouvrage: Chapitre
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Titre :
Les groupes d'intérêt et le pouvoir local : entre l'impensé académique et l'impensable des professionnels
Auteur(s) :
Courty, Guillaume [Auteur]
Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales - UMR 8026 [CERAPS]
Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales - UMR 8026 [CERAPS]
Éditeur(s) ou directeur(s) scientifique(s) :
Cadiou, Stéphane
Titre de l’ouvrage :
Gouverner sous pression. La participation des groupes d'intérêt aux affaires territoriales
Titre du fascicule / de la collection :
Droit et société
Pagination :
57-70
Éditeur :
LGDJ
Lieu de publication :
Issy-le-Moulineaux
Date de publication :
2016-01
Discipline(s) HAL :
Sciences de l'Homme et Société/Science politique
Résumé :
Depuis le milieu des années 1990, l'étude des groupes d'intérêt est redevenue un axe de recherche de la science politique française, indiquant de ce fait une transformation du rapport que les politistes entretiennent à ...
Lire la suite >Depuis le milieu des années 1990, l'étude des groupes d'intérêt est redevenue un axe de recherche de la science politique française, indiquant de ce fait une transformation du rapport que les politistes entretiennent à nouveau avec ces objets. L'ambiance du champ politique décrite dans les années 1950 par M. Prélot («on ne parlait que de la pression sur les pouvoirs publics» 1) se retrouve même dans les années 2010 : le « lobbying » a simplement pris la place de la « pression » dans les discours et les analyses. Nous n'en sommes pas pour autant revenus à la possible publication d'un bilan annuel de la recherche 2. Les terrains laissés en friche sont nombreux, parmi lesquels le « local » fait partie des vides sidérants. Pour tenter de comprendre comment la recherche se tourne plus vers Bruxelles que vers une collectivité territoriale, il faut déjà commencer par savoir ce que sont les groupes d'intérêt. Ce sont en effet deux choses que l'on gagne à analyser séparément. D'un côté, c'est un cadre théorique forgé aux États-Unis qui invite à comprendre comment nombre d'organisations se concurrencent pour tenter de faire entrer dans le champ politique leurs idées, informations, conceptions ou valeurs. D'un autre côté, les groupes d'intérêt sont la réalité que l'on observe ainsi, ce continuum d'organisations au nom desquelles des individus, de plus en plus professionnalisés, parlent et ont comme activité d'interagir en continu avec les institutions. La face théorique des groupes d'intérêt amène à s'intéresser au « nomadisme » de cette conception issue des États-Unis 3 pour trouver dans l'appareil d'État français des pourfendeurs ou des adeptes : depuis les années 1950, elle n'a que très peu dépassé les portes de la capitale. L'objectif de ce chapitre est donc d'interroger cette frontière du « local » que la théorie des groupes d'intérêt ne fait que commencer à franchir. La deuxième face, pragmatique, des groupes d'intérêt suggère que le lobbying n'existe pas dans l'espace du pouvoir local car, faute d'acteurs, la thèse de l'influence sur le gouvernement local ne peut être testée. Ce serait congédier un peu facilement toutes les organisations présentes, tous les répertoires d'action que cette théorie invite à explorer. Ce serait également ne pas prêter attention à la pratique centrale que cette théorie étudie : la représentation des intérêts. Analyser les deux faces des groupes d'intérêt permet d'insister sur le fait que cet objet est inséparablement composé des façons de le voir et de le penser et des façons de faire et d'agir des acteurs en présence. D'un côté, les territoires sont investis depuis fort longtemps par des groupements de représentation et de mobilisation des intérêts. De l'autre, les chercheurs, les journalistes ou les militants ont, chacun pour de bonnes mais différentes raisons, rarement tenté de chausser les lunettes permettant de voir ainsi cette face de la réalité 4. Pour comprendre cette relative cécité, il convient de revenir sur certains pans de l'histoire intellectuelle des groupes d'intérêt, mais également sur la morphologie des professionnels de la représentation des intérêts. La conclusion de cette double lecture est que les logiques de formation aux métiers de la représentation des intérêts ont, plus encore que le fonctionnement des institutions, tenu à distance ces acteurs des 1 PRELOT M., Sociologie politique, Paris, Dalloz, 1973, p. 619. 2 Ce bilan est celui produit par MEYNAUD Jean, MEYRIAT Jean, « Les « groupes de pression » en Europe occidentale : état des travaux », Revue française de science politique, vol.9, n°1, 1959, p. 229-246. Il est important de noter que dans son oeuvre imposante sur la question J. Meynaud n'a pratiquement pas abordé les pouvoirs locaux. Dans les deux pages qu'il consacre à la question, il n'évoque que le préfet du fait d'un ouvrage traduit sur la question et mentionne que les actions entreprises sont des « leviers » sur les pouvoirs centraux (Les groupes de pression en France, Paris, Armand Colin, 1958, p. 221-222). 3 COURTY G., Les Groupes d'intérêt, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2006 ; « Les modes conceptuelles de la science politique française. Du «groupe de pression» au «Lobby», in J. Rowell, A.-M. Saint-Gille (éds), La société civile organisée aux XIXe et XXe siècles : perspectives allemandes et françaises, Lyon, Septentrion, 2010, p. 31-44. 4 Les journalistes spécialistes des collectivités ont commencé à parler de retard en matière de lobbying dès le début des années 2000 (LHARDIT Laurent, ORSATELLI Laurent, « Lobbying : agir en stratège ! », La Lettre du cadre territorial, décembre 2000). La science politique a, avant cet ouvrage, été très peu attentive à cette problématique en dehors de PORTELLI H., « Les lobbies au niveau local », Pouvoirs, n°79, 1996 et POLLARD Julie, « Les groupes d'intérêt vus du local. Les promoteurs immobiliers dans le secteur du logement en France », Revue française de science politique, vol. 61, n°4, 2011, p. 681-705.Lire moins >
Lire la suite >Depuis le milieu des années 1990, l'étude des groupes d'intérêt est redevenue un axe de recherche de la science politique française, indiquant de ce fait une transformation du rapport que les politistes entretiennent à nouveau avec ces objets. L'ambiance du champ politique décrite dans les années 1950 par M. Prélot («on ne parlait que de la pression sur les pouvoirs publics» 1) se retrouve même dans les années 2010 : le « lobbying » a simplement pris la place de la « pression » dans les discours et les analyses. Nous n'en sommes pas pour autant revenus à la possible publication d'un bilan annuel de la recherche 2. Les terrains laissés en friche sont nombreux, parmi lesquels le « local » fait partie des vides sidérants. Pour tenter de comprendre comment la recherche se tourne plus vers Bruxelles que vers une collectivité territoriale, il faut déjà commencer par savoir ce que sont les groupes d'intérêt. Ce sont en effet deux choses que l'on gagne à analyser séparément. D'un côté, c'est un cadre théorique forgé aux États-Unis qui invite à comprendre comment nombre d'organisations se concurrencent pour tenter de faire entrer dans le champ politique leurs idées, informations, conceptions ou valeurs. D'un autre côté, les groupes d'intérêt sont la réalité que l'on observe ainsi, ce continuum d'organisations au nom desquelles des individus, de plus en plus professionnalisés, parlent et ont comme activité d'interagir en continu avec les institutions. La face théorique des groupes d'intérêt amène à s'intéresser au « nomadisme » de cette conception issue des États-Unis 3 pour trouver dans l'appareil d'État français des pourfendeurs ou des adeptes : depuis les années 1950, elle n'a que très peu dépassé les portes de la capitale. L'objectif de ce chapitre est donc d'interroger cette frontière du « local » que la théorie des groupes d'intérêt ne fait que commencer à franchir. La deuxième face, pragmatique, des groupes d'intérêt suggère que le lobbying n'existe pas dans l'espace du pouvoir local car, faute d'acteurs, la thèse de l'influence sur le gouvernement local ne peut être testée. Ce serait congédier un peu facilement toutes les organisations présentes, tous les répertoires d'action que cette théorie invite à explorer. Ce serait également ne pas prêter attention à la pratique centrale que cette théorie étudie : la représentation des intérêts. Analyser les deux faces des groupes d'intérêt permet d'insister sur le fait que cet objet est inséparablement composé des façons de le voir et de le penser et des façons de faire et d'agir des acteurs en présence. D'un côté, les territoires sont investis depuis fort longtemps par des groupements de représentation et de mobilisation des intérêts. De l'autre, les chercheurs, les journalistes ou les militants ont, chacun pour de bonnes mais différentes raisons, rarement tenté de chausser les lunettes permettant de voir ainsi cette face de la réalité 4. Pour comprendre cette relative cécité, il convient de revenir sur certains pans de l'histoire intellectuelle des groupes d'intérêt, mais également sur la morphologie des professionnels de la représentation des intérêts. La conclusion de cette double lecture est que les logiques de formation aux métiers de la représentation des intérêts ont, plus encore que le fonctionnement des institutions, tenu à distance ces acteurs des 1 PRELOT M., Sociologie politique, Paris, Dalloz, 1973, p. 619. 2 Ce bilan est celui produit par MEYNAUD Jean, MEYRIAT Jean, « Les « groupes de pression » en Europe occidentale : état des travaux », Revue française de science politique, vol.9, n°1, 1959, p. 229-246. Il est important de noter que dans son oeuvre imposante sur la question J. Meynaud n'a pratiquement pas abordé les pouvoirs locaux. Dans les deux pages qu'il consacre à la question, il n'évoque que le préfet du fait d'un ouvrage traduit sur la question et mentionne que les actions entreprises sont des « leviers » sur les pouvoirs centraux (Les groupes de pression en France, Paris, Armand Colin, 1958, p. 221-222). 3 COURTY G., Les Groupes d'intérêt, Paris, La Découverte, Coll. Repères, 2006 ; « Les modes conceptuelles de la science politique française. Du «groupe de pression» au «Lobby», in J. Rowell, A.-M. Saint-Gille (éds), La société civile organisée aux XIXe et XXe siècles : perspectives allemandes et françaises, Lyon, Septentrion, 2010, p. 31-44. 4 Les journalistes spécialistes des collectivités ont commencé à parler de retard en matière de lobbying dès le début des années 2000 (LHARDIT Laurent, ORSATELLI Laurent, « Lobbying : agir en stratège ! », La Lettre du cadre territorial, décembre 2000). La science politique a, avant cet ouvrage, été très peu attentive à cette problématique en dehors de PORTELLI H., « Les lobbies au niveau local », Pouvoirs, n°79, 1996 et POLLARD Julie, « Les groupes d'intérêt vus du local. Les promoteurs immobiliers dans le secteur du logement en France », Revue française de science politique, vol. 61, n°4, 2011, p. 681-705.Lire moins >
Langue :
Français
Comité de lecture :
Oui
Audience :
Internationale
Vulgarisation :
Non
Établissement(s) :
CNRS
Université de Lille
Université de Lille
Collections :
Date de dépôt :
2019-11-08T15:43:32Z