L’horizon en images. Retour sur "Film socialisme"
Document type :
Article dans une revue scientifique: Article original
Permalink :
Title :
L’horizon en images. Retour sur "Film socialisme"
Author(s) :
LEON, Benjamin [Auteur]
LIRA - Laboratoire International de Recherches en Arts - EA 7343 [LIRA]
Centre d'Etude des Arts Contemporains - ULR 3587 [CEAC]

LIRA - Laboratoire International de Recherches en Arts - EA 7343 [LIRA]
Centre d'Etude des Arts Contemporains - ULR 3587 [CEAC]
Journal title :
La Furia Umana
Volume number :
33
Publication date :
2018
HAL domain(s) :
Sciences de l'Homme et Société/Art et histoire de l'art
French abstract :
On ne peut comprendre Film Socialisme (2010) et sa structure en trois mouvements, sans évoquer l’installation Voyage (s) en utopie (1946 - 2006) établie au Centre Georges Pompidou et faisant suite à l’invitation d’une carte ...
Show more >On ne peut comprendre Film Socialisme (2010) et sa structure en trois mouvements, sans évoquer l’installation Voyage (s) en utopie (1946 - 2006) établie au Centre Georges Pompidou et faisant suite à l’invitation d’une carte blanche proposée par Dominique Païni. Le voyage exposait le « théorème perdu », celui permettant de trouver solution à l’équation x+3 = 1. Le parcours consistait à explorer l’avant-hier (première salle nommée -2), puis l’hier (nommée 3) pour finir avec l’aujourd’hui (nommée 1). Pour Godard, cette temporalité faussement séparée en trois moments a priori successifs, doivent au contraire s’appréhender comme les trois parties d’un tout indissociable permettant l’agencement des mots associés aux salles : « avoir été » et « à voir » pour « être». Film Socialisme reprend les choses là où « l’être » s’est posé mais en (ren)inverse le parcours : un couple de perroquets multicolores posés sur une branche ouvre le film à travers un signal rappelant les tests sons de la caméra. Très vite, l’image laisse place aux cartons du générique : logos, tekhnos, textos, vidéos, audios. La première partie nommée « Des choses comme ça », occupe le présent du verbe « être » (le voyage à bord du Costa Concordia). La seconde partie intitulée « Quo vadis Europa » est celle de l’avoir, entendu comme à-voir et nous parle du futur (le garage de Martin en Savoie). Quant à la troisième partie, elle est celle de l’avoir-été et donc de l’histoire (visite de six lieux de légendes). Il va sans dire que cette logique de réversion, semble se comprendre avec recul et entendement de la façon suivante : au milieu des débris de notre civilisation du profit, errent les signes allégoriques d’un sens inactuel qui doivent nous avertir du néant contemporain animant à la destinée de cette croisière à la dérive1. Cet état antérieur passe par l’usage répété du même énoncé sur carton noir (« Des choses comme ça », fig.1), une façon de revenir sur un mode itératif au carton tout autant répété (« En ce temps-là », fig. 2) qui accompagnait son film Je vous Salue Marie (1985). Cette stratégie de la répétition des cartons à laquelle se pose un martèlement d’images d’abord hétéroclites (les flots blancs, un paquebot-casino, Alain Badiou, Patti Smith) peut s’avérer éprouvante pour le spectateur néophyte. Cependant et comme souvent chez Godard, cette litanie de mots, de sons, et d’images doit servir notre interprétation dans l’après-coup et avec distance. Le puzzle mental qu’il nous soumet revendique de ne rien exprimer dans l’immédiat : au contraire, il donne à voir et à entendre. À nous de décider dans quelle mesure ces accords demeurent dissonants où s’ils se nourrissent de ses opaques résonances. De même que les reflets en eaux trouble de la mer ne peuvent donner du réel immédiat qu’un miroir déformant, de même le spectateur doit accepter le fait que le film lui échappe en partie. Retour(ner) et revenir jusqu’à se faire réversible des êtres et des choses.Show less >
Show more >On ne peut comprendre Film Socialisme (2010) et sa structure en trois mouvements, sans évoquer l’installation Voyage (s) en utopie (1946 - 2006) établie au Centre Georges Pompidou et faisant suite à l’invitation d’une carte blanche proposée par Dominique Païni. Le voyage exposait le « théorème perdu », celui permettant de trouver solution à l’équation x+3 = 1. Le parcours consistait à explorer l’avant-hier (première salle nommée -2), puis l’hier (nommée 3) pour finir avec l’aujourd’hui (nommée 1). Pour Godard, cette temporalité faussement séparée en trois moments a priori successifs, doivent au contraire s’appréhender comme les trois parties d’un tout indissociable permettant l’agencement des mots associés aux salles : « avoir été » et « à voir » pour « être». Film Socialisme reprend les choses là où « l’être » s’est posé mais en (ren)inverse le parcours : un couple de perroquets multicolores posés sur une branche ouvre le film à travers un signal rappelant les tests sons de la caméra. Très vite, l’image laisse place aux cartons du générique : logos, tekhnos, textos, vidéos, audios. La première partie nommée « Des choses comme ça », occupe le présent du verbe « être » (le voyage à bord du Costa Concordia). La seconde partie intitulée « Quo vadis Europa » est celle de l’avoir, entendu comme à-voir et nous parle du futur (le garage de Martin en Savoie). Quant à la troisième partie, elle est celle de l’avoir-été et donc de l’histoire (visite de six lieux de légendes). Il va sans dire que cette logique de réversion, semble se comprendre avec recul et entendement de la façon suivante : au milieu des débris de notre civilisation du profit, errent les signes allégoriques d’un sens inactuel qui doivent nous avertir du néant contemporain animant à la destinée de cette croisière à la dérive1. Cet état antérieur passe par l’usage répété du même énoncé sur carton noir (« Des choses comme ça », fig.1), une façon de revenir sur un mode itératif au carton tout autant répété (« En ce temps-là », fig. 2) qui accompagnait son film Je vous Salue Marie (1985). Cette stratégie de la répétition des cartons à laquelle se pose un martèlement d’images d’abord hétéroclites (les flots blancs, un paquebot-casino, Alain Badiou, Patti Smith) peut s’avérer éprouvante pour le spectateur néophyte. Cependant et comme souvent chez Godard, cette litanie de mots, de sons, et d’images doit servir notre interprétation dans l’après-coup et avec distance. Le puzzle mental qu’il nous soumet revendique de ne rien exprimer dans l’immédiat : au contraire, il donne à voir et à entendre. À nous de décider dans quelle mesure ces accords demeurent dissonants où s’ils se nourrissent de ses opaques résonances. De même que les reflets en eaux trouble de la mer ne peuvent donner du réel immédiat qu’un miroir déformant, de même le spectateur doit accepter le fait que le film lui échappe en partie. Retour(ner) et revenir jusqu’à se faire réversible des êtres et des choses.Show less >
Language :
Français
Peer reviewed article :
Non
Audience :
Internationale
Popular science :
Non
Administrative institution(s) :
Université de Lille
Collections :
Submission date :
2024-01-12T20:29:21Z
2024-02-05T15:26:02Z
2024-02-05T15:26:58Z
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