Berkeley : scepticisme et calcul infinitésimal
Document type :
Partie d'ouvrage
Title :
Berkeley : scepticisme et calcul infinitésimal
Author(s) :
Scientific editor(s) :
J. P. Cléro
Book title :
Jean-Pierre Cléro éd., Les chemins du scepticisme en mathématiques. D'Aristote et de Sextus Empiricus aux arguments gödeliens et au fictionnalisme. Paris, Hermann, « Les collections de la République des Lettres », 2021
Publisher :
Hermann
Publication place :
Paris
Publication date :
2021-08-18
ISBN :
9791037008701
Keyword(s) :
Berkeley
Calcul infinitésimal
Scepticisme
Calcul infinitésimal
Scepticisme
HAL domain(s) :
Sciences de l'Homme et Société/Histoire, Philosophie et Sociologie des sciences
Mathématiques [math]
Mathématiques [math]
French abstract :
Il existe une connexion étroite entre les mauvais principes de l'analyse infinitésimale et la philosophie sceptique. Selon Berkeley, cette connexion résulte de la mathématisation de la physique opérée par le calcul ...
Show more >Il existe une connexion étroite entre les mauvais principes de l'analyse infinitésimale et la philosophie sceptique. Selon Berkeley, cette connexion résulte de la mathématisation de la physique opérée par le calcul différentiel et le calcul des fluxions, mais aussi sans doute également de l'émergence d'une géométrie analytique. Sous les questions techniques relatives aux contradictions du calcul infinitésimal se dissimule une erreur majeure de ses adeptes sur la nature de l'objet de la géométrie. Quelles que soient les variations philosophiques entre les Principes de la connaissance humaine et l'Alciphron comme, sur le plan des griefs à l'égard du calcul infinitésimal, entre la conférence de 1707 et l'Analyste, l'erreur principale consiste toujours à voir dans l'étendue abstraite divisible à l'infini l'objet de la géométrie, erreur qui conduit inexorablement au scepticisme épistémique, ontologique et religieux. Dans l'Analyste, certaines variations apparentes par rapport aux textes antérieurs s'expliquent par le jeu de rôle complexe que Berkeley met en place, et qui le pousse à faire un usage purement tactique de certains arguments (comme celui des idées abstraites ou des infiniment petits d'ordres supérieurs à un). Nous pouvons même faire l'hypothèse qu'un des enjeux de l'Analyste est de protéger les mathématiques elles-mêmes du scepticisme. Des arguments sceptiques contre les mathématiques ont en effet été soulevés dès l'Antiquité et, dans ses Trois dialogues, Berkeley rappelait « cette opposition générale à toute science, cette frénésie commune aux sceptiques d'hier et d'aujourd'hui1 ». La menace liée aux obscurités du calcul infinitésimal est d'autant plus redoutable qu'elle est endogène. Selon une formule des Notes philosophiques, les mathématiciens sont des « nihilariens » : ils prennent pour objets des êtres qui ne sont que des néants. Cet objectif paraît d'autant plus vraisemblable que Berkeley s'est préoccupe depuis toujours du fondement des différentes branches des mathématiques. Les difficultés de l'analyse infinitésimale ne doivent donc pas faire douter de la rigueur des démonstrations géométriques. Au delà de la stratégie rhétorique circonstancielle, il ne s'agit pas du tout de renvoyer dos à dos les géomètres et les défenseurs de la foi ni de revendiquer pour les uns ou pour les autres un permis d'irrationalité. Derrière le parallèle de façade il s'agit d'éradiquer le mystère en mathématiques et de le cerner épistémologiquement dans la religion.Show less >
Show more >Il existe une connexion étroite entre les mauvais principes de l'analyse infinitésimale et la philosophie sceptique. Selon Berkeley, cette connexion résulte de la mathématisation de la physique opérée par le calcul différentiel et le calcul des fluxions, mais aussi sans doute également de l'émergence d'une géométrie analytique. Sous les questions techniques relatives aux contradictions du calcul infinitésimal se dissimule une erreur majeure de ses adeptes sur la nature de l'objet de la géométrie. Quelles que soient les variations philosophiques entre les Principes de la connaissance humaine et l'Alciphron comme, sur le plan des griefs à l'égard du calcul infinitésimal, entre la conférence de 1707 et l'Analyste, l'erreur principale consiste toujours à voir dans l'étendue abstraite divisible à l'infini l'objet de la géométrie, erreur qui conduit inexorablement au scepticisme épistémique, ontologique et religieux. Dans l'Analyste, certaines variations apparentes par rapport aux textes antérieurs s'expliquent par le jeu de rôle complexe que Berkeley met en place, et qui le pousse à faire un usage purement tactique de certains arguments (comme celui des idées abstraites ou des infiniment petits d'ordres supérieurs à un). Nous pouvons même faire l'hypothèse qu'un des enjeux de l'Analyste est de protéger les mathématiques elles-mêmes du scepticisme. Des arguments sceptiques contre les mathématiques ont en effet été soulevés dès l'Antiquité et, dans ses Trois dialogues, Berkeley rappelait « cette opposition générale à toute science, cette frénésie commune aux sceptiques d'hier et d'aujourd'hui1 ». La menace liée aux obscurités du calcul infinitésimal est d'autant plus redoutable qu'elle est endogène. Selon une formule des Notes philosophiques, les mathématiciens sont des « nihilariens » : ils prennent pour objets des êtres qui ne sont que des néants. Cet objectif paraît d'autant plus vraisemblable que Berkeley s'est préoccupe depuis toujours du fondement des différentes branches des mathématiques. Les difficultés de l'analyse infinitésimale ne doivent donc pas faire douter de la rigueur des démonstrations géométriques. Au delà de la stratégie rhétorique circonstancielle, il ne s'agit pas du tout de renvoyer dos à dos les géomètres et les défenseurs de la foi ni de revendiquer pour les uns ou pour les autres un permis d'irrationalité. Derrière le parallèle de façade il s'agit d'éradiquer le mystère en mathématiques et de le cerner épistémologiquement dans la religion.Show less >
Language :
Français
Audience :
Internationale
Popular science :
Non
Collections :
Source :