Mieux manger pour mieux gentrifier : le ...
Document type :
Autre communication scientifique (congrès sans actes - poster - séminaire...): Communication dans un congrès avec actes
Title :
Mieux manger pour mieux gentrifier : le cas d'un projet d'aménagement urbain dans l'EST Lillois
Author(s) :
Fauquette, Alexandre [Auteur]
Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales - UMR 8026 [CERAPS]
Maison européenne des sciences de l’homme et de la société - UAR 3185 [MESHS]
Gibout, Christophe [Auteur]
Maison européenne des sciences de l’homme et de la société - UAR 3185 [MESHS]
Université du Littoral Côte d'Opale [ULCO]
Territoires, Villes, Environnement & Société - ULR 4477 [TVES]

Centre d'Etudes et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales - UMR 8026 [CERAPS]
Maison européenne des sciences de l’homme et de la société - UAR 3185 [MESHS]
Gibout, Christophe [Auteur]

Maison européenne des sciences de l’homme et de la société - UAR 3185 [MESHS]
Université du Littoral Côte d'Opale [ULCO]
Territoires, Villes, Environnement & Société - ULR 4477 [TVES]
Conference title :
Congrès de l'Association Française de Science Politique
Conference organizers(s) :
Association française de Science Politique
Sciences Po Lille
CERAPS
Université de Lille
Sciences Po Lille
CERAPS
Université de Lille
City :
Lille
Country :
France
Start date of the conference :
2022-07-05
Keyword(s) :
alimentation
normalisation
Gentrification
contrôle des corps
normalisation
Gentrification
contrôle des corps
English keyword(s) :
Fooding
Normalization Constraint
Gentrification and urban renewal
Body control
Normalization Constraint
Gentrification and urban renewal
Body control
HAL domain(s) :
Sciences de l'Homme et Société/Sociologie
Sciences de l'Homme et Société/Science politique
Sciences de l'Homme et Société/Science politique
French abstract :
« Oh mon dieu, cachez-moi ce kébab que je ne saurais voir (rires…) ! C’est une nouvelle mode, je vous le dis moi, ils vont finir par nous faire manger de l’herbe avec tous leurstrucs ».Cette phrase, prononcée par un usager ...
Show more >« Oh mon dieu, cachez-moi ce kébab que je ne saurais voir (rires…) ! C’est une nouvelle mode, je vous le dis moi, ils vont finir par nous faire manger de l’herbe avec tous leurstrucs ».Cette phrase, prononcée par un usager d’un centre social situé dans un quartier populairede Lille, témoigne, par un trait d’humour strident, de l’idée qu’il y aurait une préoccupationsociale de plus en plus importante pour de nouveaux modes de production et de consommation alimentaires qualifiés par leurs promoteurs d’« alternatifs », tels que l’alimentation biologique, le développement des circuits-courts ou encore le végétarisme et le véganisme. Le succès croissant du label biologique et des circuits-courts, le déploiement de l’agriculture urbaine, la diversification des menus alimentaires dans des points de restauration collective, ou encore la médiatisation récente des actions coup de poing de militants végans (Loveluck B., 2016), en constituent les meilleures preuves. Mais s’agit-il réellement de pratiques alternatives et porteuses d’une critique sociale radicale ? On pourrait intuitivement répondre par l’affirmative dans la mesure où ces pratiques sont portées par une aspiration conjointe au dépassement du référentiel industriel et productiviste qui domine encore aujourd’hui le secteur agroalimentaire.Cela étant, ce premier constat est battu en brèche pour trois raisons principales qui sontcorroborées par nos données d’enquête tirées d’un projet urbain dans l’est Lillois. D’abord, la propension des acteurs économiques à récupérer la critique de l’alimentation industrielle les rend moins dissidentes ou marginales qu’il n’y paraît. C’est ce que démontre Warren Belasco lorsqu’il évoque la récupération des labels biologiques et équitables par lesallégations des acteurs industriels dominants. Ȧ vrai dire, comme le rappelle Christian Deverre (2011), « l’absorption de la critique, du moins dans ses dimensions symboliques, est une des caractéristiques du capitalisme (Boltanski L., Chiapello E., 1999) au sein duquel le système agroalimentaire s’est développé ».Ensuite, le succès de ces pratiques à l’échelle locale est tel qu’il diminue proportionnellement leur pouvoir de contestation. Loin d’être hors-système les pratiques dites « alternatives » sont dans le système. C’est un fait : on ne compte plus le nombre decollectivités locales qui s’engagent désormais, pour des causes environnementales etpatrimoniales, ou pour l’amélioration du bien-être alimentaire de leurs populations, dans des initiatives en faveur de la reterritorialisation (Rieutort L., 2009) des modes de production et de consommation alimentaire. Autant de causes qui semblent appartenir à un « sens commun réformateur » (Topalov C. 1996) et renvoient à une nouvelle « doxa » partagée par les acteurs politiques et économiques. De sorte que l’on en viendrait presque à qualifier de dissidents les discours qui entrent aujourd’hui en discordance avec cet appel au localisme alimentaire. Comme l’affirme Benoit Prevost (2014) au sujet des circuits-courts : « le processus de diffusion d’innovations sociales comme les circuits-courts pourrait leur faire perdre leur caractère radicalement alternatif ».Enfin, la promotion d’une alimentation que l’on perçoit intuitivement comme étant unealimentation de qualité, est principalement le fait de classes sociales favorisées et/ousensibilisées à sa cause (Bourdieu, 1979 ; Guthman, 2011), et n’est pas toujours dépourvue d’un certain conservatisme social. La valorisation d’une alimentation dite saine et son corollaire, la lutte contre « la malbouffe », passent en effet souvent par des tentatives d’imposition de normes alimentaires, qui sont autant de normes sociales, morales ou politiques valorisées par les classes dominantes. Autrement dit, la promotion de ces autres manières de consommer, que l’on désigne ici et là comme « responsables » ou « raisonnées » (voire même « d’intelligentes ») renvoie souvent, pour reprendre la terminologie foucaldienne, à une nouvelle gouvernementalité des corps qui divise l’acte alimentaire en deux catégories : d’une part, le « manger sainement », auquel il convient de se conformer et, d’autre part, la « malbouffe » de laquelle il convient de s’émanciper.Show less >
Show more >« Oh mon dieu, cachez-moi ce kébab que je ne saurais voir (rires…) ! C’est une nouvelle mode, je vous le dis moi, ils vont finir par nous faire manger de l’herbe avec tous leurstrucs ».Cette phrase, prononcée par un usager d’un centre social situé dans un quartier populairede Lille, témoigne, par un trait d’humour strident, de l’idée qu’il y aurait une préoccupationsociale de plus en plus importante pour de nouveaux modes de production et de consommation alimentaires qualifiés par leurs promoteurs d’« alternatifs », tels que l’alimentation biologique, le développement des circuits-courts ou encore le végétarisme et le véganisme. Le succès croissant du label biologique et des circuits-courts, le déploiement de l’agriculture urbaine, la diversification des menus alimentaires dans des points de restauration collective, ou encore la médiatisation récente des actions coup de poing de militants végans (Loveluck B., 2016), en constituent les meilleures preuves. Mais s’agit-il réellement de pratiques alternatives et porteuses d’une critique sociale radicale ? On pourrait intuitivement répondre par l’affirmative dans la mesure où ces pratiques sont portées par une aspiration conjointe au dépassement du référentiel industriel et productiviste qui domine encore aujourd’hui le secteur agroalimentaire.Cela étant, ce premier constat est battu en brèche pour trois raisons principales qui sontcorroborées par nos données d’enquête tirées d’un projet urbain dans l’est Lillois. D’abord, la propension des acteurs économiques à récupérer la critique de l’alimentation industrielle les rend moins dissidentes ou marginales qu’il n’y paraît. C’est ce que démontre Warren Belasco lorsqu’il évoque la récupération des labels biologiques et équitables par lesallégations des acteurs industriels dominants. Ȧ vrai dire, comme le rappelle Christian Deverre (2011), « l’absorption de la critique, du moins dans ses dimensions symboliques, est une des caractéristiques du capitalisme (Boltanski L., Chiapello E., 1999) au sein duquel le système agroalimentaire s’est développé ».Ensuite, le succès de ces pratiques à l’échelle locale est tel qu’il diminue proportionnellement leur pouvoir de contestation. Loin d’être hors-système les pratiques dites « alternatives » sont dans le système. C’est un fait : on ne compte plus le nombre decollectivités locales qui s’engagent désormais, pour des causes environnementales etpatrimoniales, ou pour l’amélioration du bien-être alimentaire de leurs populations, dans des initiatives en faveur de la reterritorialisation (Rieutort L., 2009) des modes de production et de consommation alimentaire. Autant de causes qui semblent appartenir à un « sens commun réformateur » (Topalov C. 1996) et renvoient à une nouvelle « doxa » partagée par les acteurs politiques et économiques. De sorte que l’on en viendrait presque à qualifier de dissidents les discours qui entrent aujourd’hui en discordance avec cet appel au localisme alimentaire. Comme l’affirme Benoit Prevost (2014) au sujet des circuits-courts : « le processus de diffusion d’innovations sociales comme les circuits-courts pourrait leur faire perdre leur caractère radicalement alternatif ».Enfin, la promotion d’une alimentation que l’on perçoit intuitivement comme étant unealimentation de qualité, est principalement le fait de classes sociales favorisées et/ousensibilisées à sa cause (Bourdieu, 1979 ; Guthman, 2011), et n’est pas toujours dépourvue d’un certain conservatisme social. La valorisation d’une alimentation dite saine et son corollaire, la lutte contre « la malbouffe », passent en effet souvent par des tentatives d’imposition de normes alimentaires, qui sont autant de normes sociales, morales ou politiques valorisées par les classes dominantes. Autrement dit, la promotion de ces autres manières de consommer, que l’on désigne ici et là comme « responsables » ou « raisonnées » (voire même « d’intelligentes ») renvoie souvent, pour reprendre la terminologie foucaldienne, à une nouvelle gouvernementalité des corps qui divise l’acte alimentaire en deux catégories : d’une part, le « manger sainement », auquel il convient de se conformer et, d’autre part, la « malbouffe » de laquelle il convient de s’émanciper.Show less >
English abstract : [en]
"Oh my God, hide that kebab from me (laughs...)! It's a new fashion, I'm telling you, they're going to end up making us eat grass with all their stuff".This sentence, uttered by a user of a social centre in a working-class ...
Show more >"Oh my God, hide that kebab from me (laughs...)! It's a new fashion, I'm telling you, they're going to end up making us eat grass with all their stuff".This sentence, uttered by a user of a social centre in a working-class district of Lille of Lille, is a stridently humorous illustration of the idea that social concerns are becoming The growing success of the organic label and of the "alternative" label is a clear indication of the growing social preoccupation with new ways of producing and consuming food, described by their promoters as "alternative", such as organic food, the development of short distribution channels or vegetarianism and veganism. The growing success of the organic label and short distribution channels, the spread of urban agriculture, the diversification of food menus in collective catering outlets, and the recent media coverage of hard-hitting actions by vegan activists (Loveluck B., 2016), are the best evidence of this. But are these really alternative practices that represent a radical social critique? The intuitive answer is yes, insofar as these practices are driven by a shared aspiration to overcome the industrial and productivist frame of reference that still dominates the agri-food sector today.However, this initial observation is undermined for three main reasons, which are corroborated by our survey data from an urban project in the east of Lille. corroborated by our survey data from an urban project in eastern Lille. Firstly, the propensity of economic players to co-opt criticism of industrial food makes them less dissident or marginal than they appear. This is what Warren Belasco demonstrates when he talks about the recuperation of organic and fair trade labels by the claims of dominant industrial players. Ȧ In fact, as Christian Deverre (2011) points out, "the absorption of criticism, at least in its symbolic dimensions, is one of the characteristics of capitalism (Boltanski L., Chiapello E., 1999) within which the agri-food system has developed".Secondly, the success of these practices at a local level is such that it proportionally diminishes their power to challenge. Far from being outside the system, so-called "alternative" practices are within it. It's a fact: we can no longer count the number of localthe number of local authorities now committed to environmental and heritage causes heritage, or to improve the food well-being of their populations, in initiatives to reterritorialise (Rieutort L., 2009) food production and consumption methods. These are all causes that seem to be part of a "common sense of reform" (Topalov C. 1996) and reflect a new "doxa" shared by political and economic players. So much so that we could almost describe as dissident those discourses that today are at odds with this call for food localism. As Benoit Prevost (2014) says about short circuits: "the process of disseminating social innovations such as short circuits could cause them to lose their radically alternative character".Lastly, the promotion of a diet that is intuitively perceived as being of high quality food, is primarily the preserve of privileged social classes and/or those who are aware of its cause (Bourdieu, 1979; Guthman, 2011), and is not always devoid of a certain social conservatism. The emphasis on so-called healthy eating and its corollary, the fight against 'junk food', often involve attempts to impose food standards, which are all social, moral or political norms valued by the dominant classes. In other words, the promotion of these alternative ways of consuming, referred to here and there as 'responsible' or 'reasoned' (or even 'intelligent'), often refers, to use Foucauldian terminology, to a new governmentality of the body that divides the act of eating into two categories: on the one hand, 'healthy eating', to which we should conform, and on the other, 'junk food', from which we should emancipate ourselves.Show less >
Show more >"Oh my God, hide that kebab from me (laughs...)! It's a new fashion, I'm telling you, they're going to end up making us eat grass with all their stuff".This sentence, uttered by a user of a social centre in a working-class district of Lille of Lille, is a stridently humorous illustration of the idea that social concerns are becoming The growing success of the organic label and of the "alternative" label is a clear indication of the growing social preoccupation with new ways of producing and consuming food, described by their promoters as "alternative", such as organic food, the development of short distribution channels or vegetarianism and veganism. The growing success of the organic label and short distribution channels, the spread of urban agriculture, the diversification of food menus in collective catering outlets, and the recent media coverage of hard-hitting actions by vegan activists (Loveluck B., 2016), are the best evidence of this. But are these really alternative practices that represent a radical social critique? The intuitive answer is yes, insofar as these practices are driven by a shared aspiration to overcome the industrial and productivist frame of reference that still dominates the agri-food sector today.However, this initial observation is undermined for three main reasons, which are corroborated by our survey data from an urban project in the east of Lille. corroborated by our survey data from an urban project in eastern Lille. Firstly, the propensity of economic players to co-opt criticism of industrial food makes them less dissident or marginal than they appear. This is what Warren Belasco demonstrates when he talks about the recuperation of organic and fair trade labels by the claims of dominant industrial players. Ȧ In fact, as Christian Deverre (2011) points out, "the absorption of criticism, at least in its symbolic dimensions, is one of the characteristics of capitalism (Boltanski L., Chiapello E., 1999) within which the agri-food system has developed".Secondly, the success of these practices at a local level is such that it proportionally diminishes their power to challenge. Far from being outside the system, so-called "alternative" practices are within it. It's a fact: we can no longer count the number of localthe number of local authorities now committed to environmental and heritage causes heritage, or to improve the food well-being of their populations, in initiatives to reterritorialise (Rieutort L., 2009) food production and consumption methods. These are all causes that seem to be part of a "common sense of reform" (Topalov C. 1996) and reflect a new "doxa" shared by political and economic players. So much so that we could almost describe as dissident those discourses that today are at odds with this call for food localism. As Benoit Prevost (2014) says about short circuits: "the process of disseminating social innovations such as short circuits could cause them to lose their radically alternative character".Lastly, the promotion of a diet that is intuitively perceived as being of high quality food, is primarily the preserve of privileged social classes and/or those who are aware of its cause (Bourdieu, 1979; Guthman, 2011), and is not always devoid of a certain social conservatism. The emphasis on so-called healthy eating and its corollary, the fight against 'junk food', often involve attempts to impose food standards, which are all social, moral or political norms valued by the dominant classes. In other words, the promotion of these alternative ways of consuming, referred to here and there as 'responsible' or 'reasoned' (or even 'intelligent'), often refers, to use Foucauldian terminology, to a new governmentality of the body that divides the act of eating into two categories: on the one hand, 'healthy eating', to which we should conform, and on the other, 'junk food', from which we should emancipate ourselves.Show less >
Language :
Français
Peer reviewed article :
Oui
Audience :
Internationale
Popular science :
Non
European Project :
Source :
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