Lobbys et Europe
Document type :
Partie d'ouvrage: Article pour une encyclopédie ou un dictionnaire
Permalink :
Title :
Lobbys et Europe
Author(s) :
Courty, Guillaume [Auteur]
Scientific editor(s) :
Centre de recherche sur les médiations (Crem, Université de Lorraine)
Book title :
Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics
Pages :
http://publictionnaire.huma-num.fr/wp-content/uploads/2019/03/lobbys-et-europe.pdf
Publication date :
2019-03-29
HAL domain(s) :
Sciences de l'Homme et Société
English abstract : [en]
Les lobbys et l'Europe Courty Guillaume Quand, au tournant des années 1950, commence la construction européenne, la conception qui prévaut en matière de groupes d'intérêt est celle de l'élite. En effet, c'est au cours de ...
Show more >Les lobbys et l'Europe Courty Guillaume Quand, au tournant des années 1950, commence la construction européenne, la conception qui prévaut en matière de groupes d'intérêt est celle de l'élite. En effet, c'est au cours de ces années que ce concept et le cadre théorique qui lui donne sa pertinence-la vie politique est pluraliste y compris pour ses partenaires économiques et sociaux-arrivent en Europe via le Royaume-Uni, la France et l'Italie qui ont accueilli les premiers débats sur ces questions d'action en politique des groupes d'intérêt que l'on appelle par encore le lobbying. Dès l'entrée en vigueur des marchés successifs de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), d'Euratom, puis du marché commun le 1 er janvier 1958, ce nouveau système politique offre un terrain d'enquête privilégié à cette conception et à une nouvelle génération de chercheurs américains. Avec la Communauté économique européenne (CEE), ils inventent un cadre théorique, le fonctionnalisme, qui permet de comprendre le rôle original que les groupes d'intérêt sont conduits à jouer. Dans cette conception, ils ne font pas qu'influencer les institutions et ils sont surtout des soutiens du système et des rouages importants dans la progression de l'intégration européenne. Dans le même temps, les élites européennes ont inventé un système politique d'un autre genre dans un contexte où une double défiance les anime. D'un côté, les échecs d'une Europe politique les ont amenés à privilégier les marchés économiques pour commencer à fabriquer des solidarités européennes. De l'autre, leur vision technocratique les entraîne à éviter les citoyens qui ne sont pas mobilisés pour soutenir cet édifice. La somme produit un système sans élection avant 1979 avec une architecture institutionnelle commune aux différents traités CEE à partir de 1969 : une Commission omnipotente et un Conseil des ministres. Sur ces bases, le système politique a été conduit à croître et se structurer. La croissance a bien sûr été celle de ses membres et de ses domaines de compétence. De l'Europe des six de départ, l'Union européenne (UE) est passée à 28 membres en intégrant la Croatie en 2013-le retour à 27 étant impliqué par le vote du Brexit. Chaque élargissement a été l'occasion d'une conversion de ces nouveaux pays à la conception pluraliste soutenue par la nécessité de pouvoir lancer des groupes d'intérêt dans les batailles politiques européennes sur des terrains de plus en plus variés. De la politique agricole commune comme premier ciment de l'Europe, le système a progressivement revendiqué avec succès des prérogatives non prévues par les traités. Pendant le même temps, l'architecture institutionnelle a évolué avec, ici aussi, pour chaque nouvelle institution-le Conseil européen puis le Parlement-la démonstration de la présence de groupes d'intérêt comme nouveaux publics de ces nouveaux projets-par exemple le transport aérien à partir de 1999. Depuis les débats qui ont animé en 2005 les États membres autour de la question du référendum relatif au projet de Constitution européenne, le citoyen européen a pris conscience de la présence de groupes d'intérêt à Bruxelles même si cette connaissance est partielle, souvent déformée et peu louangeuse. Ce qu'il ignore le plus souvent c'est la place originale que ces groupes occupent dans ce système et le rôle qu'ils y jouent. Cette place est aussi centrale que celle du citoyen dans une démocratie représentative. Faute d'élection avant 1979, le système européen a depuis l'origine en effet été pensé et construit avec et par les groupes d'intérêt. Ce système consultatif et participatif a fait sa révolution à partir de 2005 en se parant des vertus de la « transparence » pour tenir le citoyen informé. Avec cette empreinte originale, il a connu une grande transformation : le pluralisme initial que les Américains avaient importé est devenu un système élitiste et pluraliste (Coen, Richardson, 2009) dont la densité et la diversité surprennent autant qu'elles peuvent inquiéter.Show less >
Show more >Les lobbys et l'Europe Courty Guillaume Quand, au tournant des années 1950, commence la construction européenne, la conception qui prévaut en matière de groupes d'intérêt est celle de l'élite. En effet, c'est au cours de ces années que ce concept et le cadre théorique qui lui donne sa pertinence-la vie politique est pluraliste y compris pour ses partenaires économiques et sociaux-arrivent en Europe via le Royaume-Uni, la France et l'Italie qui ont accueilli les premiers débats sur ces questions d'action en politique des groupes d'intérêt que l'on appelle par encore le lobbying. Dès l'entrée en vigueur des marchés successifs de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), d'Euratom, puis du marché commun le 1 er janvier 1958, ce nouveau système politique offre un terrain d'enquête privilégié à cette conception et à une nouvelle génération de chercheurs américains. Avec la Communauté économique européenne (CEE), ils inventent un cadre théorique, le fonctionnalisme, qui permet de comprendre le rôle original que les groupes d'intérêt sont conduits à jouer. Dans cette conception, ils ne font pas qu'influencer les institutions et ils sont surtout des soutiens du système et des rouages importants dans la progression de l'intégration européenne. Dans le même temps, les élites européennes ont inventé un système politique d'un autre genre dans un contexte où une double défiance les anime. D'un côté, les échecs d'une Europe politique les ont amenés à privilégier les marchés économiques pour commencer à fabriquer des solidarités européennes. De l'autre, leur vision technocratique les entraîne à éviter les citoyens qui ne sont pas mobilisés pour soutenir cet édifice. La somme produit un système sans élection avant 1979 avec une architecture institutionnelle commune aux différents traités CEE à partir de 1969 : une Commission omnipotente et un Conseil des ministres. Sur ces bases, le système politique a été conduit à croître et se structurer. La croissance a bien sûr été celle de ses membres et de ses domaines de compétence. De l'Europe des six de départ, l'Union européenne (UE) est passée à 28 membres en intégrant la Croatie en 2013-le retour à 27 étant impliqué par le vote du Brexit. Chaque élargissement a été l'occasion d'une conversion de ces nouveaux pays à la conception pluraliste soutenue par la nécessité de pouvoir lancer des groupes d'intérêt dans les batailles politiques européennes sur des terrains de plus en plus variés. De la politique agricole commune comme premier ciment de l'Europe, le système a progressivement revendiqué avec succès des prérogatives non prévues par les traités. Pendant le même temps, l'architecture institutionnelle a évolué avec, ici aussi, pour chaque nouvelle institution-le Conseil européen puis le Parlement-la démonstration de la présence de groupes d'intérêt comme nouveaux publics de ces nouveaux projets-par exemple le transport aérien à partir de 1999. Depuis les débats qui ont animé en 2005 les États membres autour de la question du référendum relatif au projet de Constitution européenne, le citoyen européen a pris conscience de la présence de groupes d'intérêt à Bruxelles même si cette connaissance est partielle, souvent déformée et peu louangeuse. Ce qu'il ignore le plus souvent c'est la place originale que ces groupes occupent dans ce système et le rôle qu'ils y jouent. Cette place est aussi centrale que celle du citoyen dans une démocratie représentative. Faute d'élection avant 1979, le système européen a depuis l'origine en effet été pensé et construit avec et par les groupes d'intérêt. Ce système consultatif et participatif a fait sa révolution à partir de 2005 en se parant des vertus de la « transparence » pour tenir le citoyen informé. Avec cette empreinte originale, il a connu une grande transformation : le pluralisme initial que les Américains avaient importé est devenu un système élitiste et pluraliste (Coen, Richardson, 2009) dont la densité et la diversité surprennent autant qu'elles peuvent inquiéter.Show less >
Language :
Français
Popular science :
Non
Collections :
Submission date :
2024-09-17T10:44:40Z