Julius-Corentin Acquefacques : théoriser la bande dessinée par les paradoxes

Abstract

Dans la série des aventures de Julius Corentin Acquefacques, Marc-Antoine Mathieu pousse à un degré vertigineux les expérimentations ludiques que d’autres avant lui avaient pu pratiquer de manière plus dispersée. Là où Gotlib, Fred (ou tant d’autres) jouent sur la surface d’une page ou d’une double page, Marc-Antoine Mathieu déploie le jeu sur les codes de la bande dessinée à l’échelle d’albums entiers, faisant de cette transgression des codes la matière même de ses récits. Outre l’aspect ludique du jeu sur les conventions, Marc-Antoine Mathieu propose, avec Julius Corentin Acquefacques, une réflexion bien plus profonde, en images, sur le fonctionnement de la bande dessinée : son langage, ses conventions, sa matérialité, l’expérience de lecture qui la fonde… En multipliant les mises en abyme, en expérimentant des trouvailles de fabrication (case creusée dans la page, page à déplier, surgissement de la couleur…), en mettant ainsi la bande dessinée à l’épreuve, Marc-Antoine Mathieu fait de l’excentricité graphique le cœur d’une réflexion théorique particulièrement stimulante. Sans se restreindre à la série Julius Corentin Acquefacques (j’évoquerai également d’autres albums « satellites » de l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu, notamment Le Dessin), cette communication se centrera sur deux enjeux sous-estimés par la production critique qu’a généré cette œuvre : la dimension éminemment ludique de ces disruptions du récit, et la manière dont l'œuvre nous invite à penser la matérialité de la bande dessinée et de ses contraintes. Il s’agira donc, plus largement, d’interroger l’excentricité narrative (et, chez Marc-Antoine Mathieu, très secondairement graphique) comme une machine à théoriser le médium.