Le théâtre et les études théâtrales : écouter, penser, imaginer les relations

Abstract

Ce dossier d’habilitation, Théâtre, relations, représentations, se compose d’un inédit, Le Procès d’Émile Henry, tragédie-montage d’Antoine Vitez, des archives au texte, et d’un mémoire de synthèse, Le Théâtre et les études théâtrales : écouter, penser, imaginer les relations accompagné d’un recueil de travaux. Le mémoire retrace à grands traits les méandres d’un parcours qui cherche à interroger les capacités du théâtre à agir comme laboratoire d’écoute et de manifestation des possibles relationnels. Il présente un ensemble d’études qui montrent comment les pratiques, à travers une diversité de langages et de formes, peuvent mettre en jeu les relations, les donner à penser, percevoir, imaginer, et, ce faisant, avoir un pouvoir de transformation sur nos représentations et susciter des désirs de changement. Cette présentation est organisée en cinq sections thématiques qui mettent chacune l’accent sur un type particulier de relations, relations entre textes et pratiques scéniques dans « jouer avec les textes », relations entre les voix et les langages dans « écouter les voix : différences et diversité », relations entre les médias dans « photographie et photographique dans les dramaturgies », relations entre théâtre, études théâtrales et société dans « portée politique et sociale des pratiques », et relations entre théâtre et transitions écologiques et sociales dans « théâtre(s) en transition ». Il est accompagné d’un recueil de travaux dont les quatre parties correspondent aux quatre premières de ces cinq sections (les travaux de la section sur les interactions actuelles entre théâtre et transitions écologiques et sociales n’ayant pas encore été rendus publics). L’inédit aborde, quant à lui, la question de la mise en jeu des relations et de la mise en mouvement des représentations principalement sous deux angles, celui des relations entre art, faits historiques, et grandes questions relatives à la condition humaine (la justice et le jugement), et celui de l’intermédialité (entre théâtre et télévision). Son objectif principal est de proposer une reconstitution d’un texte pour la scène composé par Antoine Vitez en 1966, Le Procès d’Émile Henry, tragédie-montage. Il le fait en trois volets. Le premier explicite à partir de quoi et comment, des archives actuellement accessibles à la « partition jouée » en 1966, le texte a été reconstruit et les choix qui ont été faits pour le présenter. Le second donne à lire, sans commentaires, le texte ainsi établi. Le troisième propose une étude historicisée des processus de création et de réception. Pour la création, une observation analytique détaillée de brouillons, carnets de notes, essais d’écriture, versions successives, arrangements musicaux, permet de mettre en évidence le cheminement dramaturgique, et le mouvement d’élaboration progressive du texte. Pour la réception, à partir des discours (presse et correspondance), l’analyse s’attache à deux phénomènes marquants, une critique du montage comme geste auctorial légitime, et les références aux dramatiques judiciaires produites par la télévision présentes dans certains écrits journalistiques sur le spectacle. Ces deux aspects de la réception sont interrogés, d’une part, sous l’angle de l’idée de ce que serait l’écriture dramatique, d’autre part, sous celui des enjeux de positionnement intermédial dans le contexte de cette période de la Ve République qui est à la fois celle de la création, sous le ministère Malraux, des maisons de la culture, et sous le ministère Peyrefitte, de l’ORTF. Cette double approche de la réception permet de situer la tragédie-montage dans l’histoire et de comprendre rétroactivement la radicalité d’une démarche théâtrale qui visait à problématiser la question du jugement et à provoquer, à l’aide d’une forme s’apparentant au théâtre d’agit-prop, un débat public donnant la parole aux spectateurices.